Dans cette nouvelle rubrique, nous allons essayer de vous présenter divers sites intéressants de notre belle région...

Liste Alphabétique des Publications

Glacières (12/04/2024) -Y aller- Aiguier (21/04/2024) -Y aller- Fort Restefond (07/06/2024) -Y aller-

 

Le Fortin du Restefond

- Publication du 22/006/2024 -

En 1885, alors que les relations avec l'Italie s'enveniment, éclate la crise "dite de l'obus-torpille". Jusqu'en 1914, on assiste donc à la multiplication et à l'amélioration du dispositif de défense, lequel est poussé plus en avant vers la frontière et plus haut en altitude. Le site du Restefond, situé en bas du col du même nom, a commencé à être occupé de façon régulière par l’armée dans les années 1890-1900 et, en 1901, le génie décide d’y construire un baraquement défensif pouvant héberger trois compagnies. Les travaux de construction du fortin défensif commencent en 1901 et s’achèvent en 1906. Trois bâtiments de casernement sont disposés en U autour d'une cour centrale, le quatrième côté étant fermé par une courtine. Les murs de fond des bâtiments constituent une enceinte crénelée, flanquée de bastionnets. Les trois bâtiments, rectangulaires, à simple rez-de-chaussée, maçonnés en mellons, sont couverts d'un toit en très léger appentis.

Quelques mots à présent sur cette crise de l'obus-torpille. Au cours des années 1880 vont intervenir deux découvertes améliorant l'armement qui vont remettre en cause les principes techniques même ayant régis la construction de toutes les fortifications. Il s'agit d'abord de l'apparition de l'obus à mitraille, dont le détonateur était réglé pour le faire exploser en l'air. Les imposants massifs de terre n'étaient plus alors d'aucune utilité pour protéger les servants des pièces situées à l'air libre. Puis en 1885, Eugène Turpin, ingénieur français, découvre un nouvel explosif chimique, la mélinite, qui surpassait largement en puissance l'ancienne poudre noire. Dès 1886 est réalisé un obus cylindro-ogival, donc en forme de torpille, utilisant ce nouvel explosif. Il est fabriqué en acier au lieu de la fonte utilisée jusqu'alors. Ces avancées techniques permirent à la fois d'augmenter la portée des canons, mais aussi d'augmenter la quantité d'explosifs des obus et donc leur pouvoir destructeur.

Les ingénieurs militaires vont apporter plusieurs solutions à cette crise connue, vous savez à présent pourquoi, sous le nom de "crise de l'obus torpille" comme la mise sous casemate ou sous tourelles des canons pour leur offrir une meilleure protection, la dispersion dans de multiples batteries extérieures des canons jusqu'alors concentrés dans l'enceinte du fort, le renforcement des casernement existant par une couche de béton d'une épaisseur variant de 1,50 m à 2,50 m coulée sur les maçonneries existantes et l'emploi exclusif du béton spécial de fortification, puis du béton armé pour la construction de tous les nouveaux ouvrages.

L'Aiguier du Siou Blanc

- Publication du 21/04/2024 -

L’eau, ressource rare et précieuse en Provence, est maîtrisée depuis des siècles par de multiples aménagements et ouvrages dont les aiguiers qui illustrent le génie des pratiques sociales. Un aiguier est tradionnellement une construction en pierre qui sert à recueillir des eaux de ruissellement, c'est un ouvrage du midi de la France dont la forme varie considérablement d'une région à l'autre, et dont l'origine se perd parfois dans la nuit des temps. Tous les aiguiers ont en commun un système de récupération des eaux de ruissellement appelé impluvium ainsi qu'une citerne bâtie ou creusée dans la roche. On trouve sur le plateau du Siou Blanc un des rares aiguiers varois et celui ci surprend par son caractère monumental.Les eaux de ruissellement d'un vallon rocheux s'écoulent et convergent comme dans un entonnoir vers une vaste dalle de pierre naturelle qui se termine dans une citerne artificielle.

Cette dernière est constituée d'imposants piliers verticaux, lesquels supportent de grandes dalles calcaires disposées horizontalement. La construction, à l'aspect mégalithique, visait à préserver l'eau de l'évaporation et de la pollution éventuelle tout en lui conservant une certaine fraîcheur. L'eau de pluie qui s'accumulait sous ces dalles pouvait atteindre un volume de plus de 60 m3 !

Un imposant mur en pierres sèches constituait le périmètre de cet ensemble formant une barrière pour empêcher les animaux de venir souiller l'eau et la zone de ruissellement. Le sommet de ce mur est terminé en « arête de poisson » avec des pierres disposées presque verticalement. La présence d'abreuvoirs rappelle qu'autrefois, on menait chèvres, moutons et brebis dans ces montagnes. De nombreuses familles vivaient là-haut. Aussi, y a-t-il fort à parier que cet aiguier devait être, dans les chaleurs de l'été, une bonne réserve d'eau pour tous. En effet l'eau de pluie qui pouvait s'accumuler dans la citerne de peirre pouvait ateindre les 60 mètres cube !

L'originalité de cette citerne, c'est que des pilotis en pierres retiennent une grande couverture de dalles plates qui protègent de l'évaporation et des salissures. D'autres parts, l'eau avant de remplir ce bassin, est grossièrement filtrée par un épais lit de cailloux. Une merveille d'ingéniosité et un travail de titan, certaines dalles devant peser 200 ou 300 kg. Cette construction unique reste à ce jour énigmatique, tant en ce qui concerne son origine qu'en ce qui concerna sa datation.

Les Glacières

- Publication du 12/04/2024 -

Bien avant l’apparition du réfrigérateur, les cubes de glaces constituaient une matière première essentielle notamment pour la conservation des aliments. La récolte et le commerce de ces blocs de glace d’origine naturelle faisaient partie intégrante de la vie quotidienne et participaient activement à la vigueur de l’ industrie du 19e siècle. En Provence, l'usage et le commerce de la glace se sont fortement développés à partir de la Renaissance. Rapidement, les pouvoirs publics vont réguler cette activité (Privilège national de la Glace promulgué par Louis XIV en 1659) car la glace était utilisée de multiples façons : pour la conservation du poisson frais, des aliments, dans les hôpitaux, pour les boissons, en sorbets...

Le principe de fabrication de la glace n'était pas très sorcier. Le plus dur était de trouver l'endroit adéquat pour installer les bassins de congélation et pour construire les immenses réservoirs que sont les glacières (Une glacière est une installation fixe (creusée et/ou bâtie) présentant des propriétés isothermes grâce auxquelles elle permet de stocker de la glace). Il fallait en effet que le site se trouve à proximité de sources, qu'il soit le plus possible à l'abri du soleil, et qu'il bénéficie d'un courant d'air froid facilitant le gel en hiver et la conservation en été. Bien entendu il fallait aussi être le plus prêt possible des lieux de commercialisation qui devaient impérativment pouvoir être rejoint dans la nuit !

Concernant notre région côtière d'Aix-Marseille à Toulon, c'est le massif de la Sainte Baume qui offrait les meilleurs conditions pour la mise en place de Glacières. L’édification des glacières de la Sainte-Baume s’étale entre 1650 et 1885. Montagne-providence pour la fourniture de la glace en Basse et Moyenne Provence, la Sainte-Baume est convoitée par toutes les villes de la côte qui tentent d’y implanter des territoires de récolte. Les villes de l’intérieur comme Aix revendiquent aussi le droit d’accès à une partie de la production. Les rivalités entre communautés dégénèrent en véritables conflits lorsque la glace vient à manquer (hivers insuffisamment froids et/ou peu humides).

La plus grande glacière de la Sainte-Baume est la glacière de Pivaut, où des visites guidées sont proposées. La glacière a été bâtie dans les années 1880, mais face aux avancées technologiques de l'époque, elle ne sera utilisée que quelques années. La glacière de Pivaut est semi-enterrée. Déjà cette grosse tour d'une hauteur de 23 mètres et d'un diamètre de 17,60 mètres semble énorme mais il faut bien se dire qu'il y a le meme volume sous le niveau du sol ! Cette glacière permettait la conservation de plus de 3 000 m3 de glace !.

En hiver après chaque nuit très froide, les paysans du coin, embauchés pour "arrondir" leurs fins de mois, sciaient la glace des bassins en blocs et la charriait jusqu'à la glacière où d'autres employés la tassaient et la compactaient au fond de cet immense réservoir. Les murs, très épais, étaient recouverts à l'intérieur de paille et de branchages pour améliorer encore l'isolation. Pour réduire la circulation d'air, des seaux d'eau étaient régulièrement ajoutés, l'eau en coulant se solidifiait et permettait de combler les vides. Puis une fois la glacière pleine, on la scellait à l'aide d'une triple porte. La photo suivant permet de constater l'épaissuer des murs !

Trois bassins d'un total de 5 000 m2 furent construits en même temps juste derrière la glacière afin de l'alimenter en glace l'hiver. La présence d'argile à faible profondeur imperméabilisait le fond des bassins. Entre deux et quatre gelées des bassins étaient nécessaires pour remplir la glacière.

Un accès en haut de la Glacière donnait directement accès au niveau des bassins pour faciliter le chargement de la glacière.

" A diverses hauteurs, sur le coteau qui porte Saint-Cassien, des carrés de terrain sont entourés de parapets et constituent ainsi des sortes de bassins que la pluie remplit en hiver ; de la glace s'y forme et, lorsque l'homme qui les garde la trouve assez épaisse, les paysans d'alentour, qui répondent de loin à l'appel de sa trompe sonnant dans le silence des campagnes blanches de neige, viennent la précipiter dans ces puits où elle se prend en masse compacte et où elle passe l'été. "
(Excursion à La Sainte-Baume : les étapes d'un touriste en France - Marius Bernard - 1902).

L'été, le travail se faisait le soir et toute la nuit. Il consistait cette fois-ci à sortir la glace et à l'acheminer dans la nuit jusqu'aux points où les gens en avaient besoin, principalement les grandes villes (Marseille, Toulon, Aubagne,...). A l'aide de moules cylindriques, on extirpait la glace de l'énorme masse gelée. Ces pains étaient ensuite démoulés et chargés sur des charrettes, protégés de la chaleur par des couvertures de laine et de la paille. Une fois la charrette pleine, le charretier s'empressait de partir pour aller livrer sa précieuse marchandise avant le lever du soleil. Tous les moyens étaient bons pour arriver avant les concurrents. Les plus riches s'équipaient de chevaux et fonçaient comme des fous sur les étroits chemins qui descendaient l'adret de la Sainte Baume jusqu'à Signes en direction de Toulon. D'autres prenaient des raccourcis dangereux et nombreux furent ceux qui partis à la faveur des étoiles ne virent jamais le lever du soleil car les accidents n'étaient pas rares. Le salaire moyen d'un ouvrier de la glace était de 3 Francs par jour, les 100 Kg de glace se revendaient alors 8 Francs 50 à Marseille qui garde encore le souvenir de cette époque au travers le nom d'une de ses rues : " la rue de la Glace ".

L'eau de fonte était collectée dans une excavation aménagée en partie basse du puits pour faciliter son élimination. On voit sur la photo suivante la sortie du canal d'évacuation des eaux fondues qui se sitiue très logiquement tout en bas du puit creusé dans la roche sous la tour maçonnée.

A partir de 1890, le transport ferroviaire qui se développe, va permettre la commercialisation de la glace alpine sur les différents marchés côtiers à des prix très compétitifs. Les glacières, moins rentables, arrêteront leur activité peu après 1900. D'autant que le progrès technologique permet la production de glace industrielle depuis la fin du 19ème siècle. Néanmoins, la glace récoltée en montagne sera présente sur les étals jusque dans les années 1920-1930, car très longtemps la glace dite "naturelle" a eu ses clients inconditionnels. La concurrence entre la glace de la nature et la glace de l’usine a tout compte fait débouché sur un essor de la consommation. C’est la « domestication » du froid, sa production individuelle à la maison, qui a relégué réservoirs et fabriques dans le domaine du passé.

La seule structure qui retrace cette "histoire" de la Glace en Provence est le musée de la Glace à Mazaugues (83), au pied du massif de la Sainte-Baume. Le visiteur y est amené à remonter le temps et à étudier les différentes manières d'exploiter, commercialiser et utiliser la glace depuis des millénaires, et dans le monde entier.