Le troisième alcool fort le plus consommé dans le monde est le Rhum qui represente un marché de 17 milliards en USD (64 miliards pour le Whisky et 26 milliards pour la Vodka). Par soucis de précision je signale cependant que je ne compte pas le Baijiu, un alcool de riz dont le marché est 50% plus important que celui du Whisky mais qui n'est très majoritairement consommé qu'en Chine.
Le rhum est produit à partir de canne à sucre, et selon le procédé, deux types principaux de matières premières sont utilisées. Il peut s'agir de jus de canne frais pour le rhum agricole (Martinique, Guadeloupe) ou de mélasse, un résidu de la fabrication du sucre utilisé dans le rhum traditionnel et industriel (Cuba, Jamaïque).
L’histoire du rhum est étroitement liée à celle de la canne à sucre et du commerce colonial. La canne à sucre est cultivée depuis des millénaires en Asie du Sud-Est. Elle fut introduite au Moyen-Orient puis en Europe par les Arabes au cours des conquêtes médiévales. En 1493, Christophe Colomb introduit la canne à sucre aux Antilles lors de son deuxième voyage. Le climat tropical y est idéal : les plantations de canne se multiplient dans les colonies espagnoles, françaises, anglaises et portugaises.
Vers 1640-1650, des esclaves travaillant dans les plantations découvrent qu’un résidu de la fabrication du sucre, la mélasse, peut fermenter. En Barbade et à La Martinique, on commence à distiller ce liquide fermenté : le rhum est né. La première mention écrite de l'existence du rhum provient de l'île de la Barbade en 1688. En France, les premières descriptions du processus de distillation de la canne et par là même du rhum sont celles du père Labat, un missionnaire dominicain français aux Antilles, dans son Nouveau voyage aux îles de l'Amérique (1722).
Ce rhum primitif était brutal et utilisé notamment pour les marins (ration dans la marine britannique), le troc dans le commerce triangulaire et pour la consommation locale avant d'être commercialisé en Europe. Certains étymologistes font remonter le nom "Rhum" au mot « Rumbullion » qui signifiait altercation ou bagarre et il est certain que cet alcool, très violent à l'époque, ne devait pas adoucir les moeurs de ceux qui en abusaient.
Le Rhum est un temps l'alcool le plus consommé en Occident mais au 19e siècle la fin de l'esclavage bouleverse l’économie des plantations, le whisky gagne en popularité notamment aux États-Unis et la betterave sucrière européenne concurrence la canne à sucre. C'est à ce moment qu'on voit apparaitre les appellations de Rhum Agricole et les Rhum vieux élevé en fût (inspiré du whisky et cognac). Le Rhum devient une boisson plus noble et plus seulement de "pirates".
Il va se définir avec le temps trois produits semblables mais différents, le Rhum, le Ron et le Rum.
- Le Rhum Agricole est la version française du produit. Il vient donc des zone francophones ((Antilles françaises, Réunion, Haïti...). Sa caractéristique est d'être issu de jus de canne et non pas de mélasse. Plus souvent distillé en colonne créole qu'en alambic, il est plus sec, herbacé et aromatique.
- Le Ron vient des pays hispanophones (Cuba, République dominicaine, Venezuela, Panama...). Produit à partir de mélasse, très filtré et souent adouci il présente un style plus léger, doux, rond.
- Le Rum vient des pays anglophones (Bermudes, Barbade, Trinidad, Guyana...). Souvent produit à partir de mélasse comme le Ron hispanique, il est par contre distillé en alambic traditionnel (Pot Still), ce qui lui donne plus de puissance et un goût épicé et fruité parfois plus "complexe". Le Rum a une robe sombre (Les rhums blancs anglais sont très rares et sont généralement des rhums vieillis auxquels on aura retiré la couleur avec une filtration au charbon), une belle rondeur en bouche et une forte concentration aromatique. la Jamaïque fait exception à ce qui est écrit juste avant car elle produit des Rhums blancs qui constituent une catégorie à part entière. Ces rhums ultra-aromatiques (mais pas aromatisés) sont issus de fermentations longues et sont capables de relever n’importe quel type de cocktail grâce à leurs notes fruitées. Parmi eux, on compte la catégorie des Overproof, des rhums à très fort degré.
La fermentation (de 1 à plusieurs jours) transforme les sucres (du jus ou de la mélasse) en alcool grâce à l’action de levures, donnant un liquide faiblement alcoolisé (5-10 %), appelé "vin de canne" ou "mash". Ce vin est ensuite distillé pour concentrer l’alcool, donnant un liquide transparent appelé rhum blanc à fort degré alcoolique (60-75 % vol.).
Le rhum peut être mis directement en bouteille ou vieilli dans des fûts de chêne pour développer des arômes complexes. Le Rhum blanc est non vieilli, le Rhum ambré est vieilli entre quelques mois et 2 ans et le Rhum brun ou Rhum vieux (VSOP, XO, etc.) est vieilli au minimum 3 ans, parfois plus de 15 ans. Avant embouteillage, le rhum est souvent réduit avec de l’eau pour atteindre un degré alcoolique commercial (souvent autour de 40-50 % vol.)
Le Rhum blanc est une excellente base pour les cocktails.
1 - Les rhums aromatisés se trouvent en de nombreuses saveurs et ont souvent une teneur en alcool moins élevée et un taux de sucre plus conséquent. Les arômes y sont généralement artificiels
2 - Le rhum arrangé est une préparation de rhum dans laquelle ont macéré divers ingrédients tels que des feuilles, des fruits, des graines, des écorces ou des friandises. C’est une boisson emblématique à La Réunion, mais commune aussi aux Antilles et à Madagascar.
La Cachaça est une sorte de Rhum Agricole bien particulier typique du brésil, issu de jus de canne à sucre obtenu par broyage. Le rhum agricole français est un produit raffiné qui subi de nombreuses transformations alors que la cachaça, plus rustique, est le résultat d'une distillation moins forte (Elle est distillée entre 38° et 48° alors que le Rhum Agricole français titre 65-75° à la sortie de l'alambic avant d'être ramené aux degrés souhaités par adjonction d’eau de source). La Cachaça se caractérise par sa douceur patinée de cire et un arôme grillé. Elle est très peu exportée et est la base principale du célèbre cocktail brésilien "Caïpirinha".
Le Don Papa Masskara vient des Philippines. Il s'agit d'un rhum infusé à la manière d’un gin. Les ingrédients sont 100 % philippins : le Calamansi, une sorte de citron vert, le petit piment Siling Labuyo et le miel du mont Kanlaon, le point culminant de l’île de Negros. Les notes de ce rhum sont donc à la fois pimentées, fruitées et citronnées. Son nom rend hommage à un festival masqué, Masskara, qui se déroule chaque mois d’octobre sur cette île située du sud de l’archipel.
Le rhum Santisima Trinitad est élaboré à Cuba et nous restitue avec gourmandise toute la chaleur qui enveloppe son terroir d’origine ! Il a bénéficié d’un vieillissement de 15 ans effectué en trois étapes. Les eaux-de-vie utilisées sont tout d’abord laissées en fût pendant au moins 4 ans. On obtient alors les bases permettant de constituer l’assemblage final. Assemblées, celles-ci maturent de nouveau pendant 7 ans. Un nouvel assemblage est alors travaillé, suivi d’une ultime finition supplémentaire de 4 ans ! Au final, on obtient un rhum hors d’âge savoureux, aux notes de coco, vanille, chocolat et caramel, qui titre à 40,7° !
Dernière découverte en date, le Demon's Share, un rhum savoureux du Panama, fermenté à partir d’une levure endémique et vieilli 6 ans en fûts de chêne américain. Particulièrement aromatique, la dégustation est marquée par les agrumes.
Pour les cocktail, je reste toujours sur du Rhum agricole français. La Plantation Trois Rivières c'est plus de 350 ans d'histoire... En 1660, Nicolas Fouquet, Surintendant des Finances de Louis XIV, s’adjuge la plus grande concession jamais attribuée aux Antilles : 2000 hectares situés au sud de l'île de la Martinique. Attention il existe deux titrages pour cette bouteille et il faut prendre le 50°. Il constitue une excellente base pour les cocktails.