Prostitution dans l'Empire Romain

Le mot « prostitué.e » vient du latin prostituere qui signifie « placer devant, exposer à la vue ». Dès la République romaine, on distingue deux catégories de femmes : celles destinées à un mariage légitime (ou à un concubinat) et celles qui sont accessibles à tous les hommes, à savoir les prostituées. Mais il faut cependant, à la lecture des textes d'époque, bien distinguer la prostitution réelle, c’est-à-dire la réalisation de prestations sexuelles dans un but lucratif, de ce que les écrits ou discours moralisateurs nomment prostitution en évoquant toute personne à Rome dont la sexualité est transgressive par rapport aux normes de la société romaine. A l'inverse, il faut tenir compte dans ces textes que certaines pratiques sexuelles ne relèvent pour les Romains à l'époque pas de la prostitution comme les prestations sexuelles imposées par un maître à son esclave (C'est à la toute fin de l'Empire que paraissent, sans aucune efficacité, des lois pour tenter d'assimiler la relation sexuelle d'une maîtresse avec un de ses esclaves à un acte d'adultère).

La prostitution est florissante dans l'Empire romain et pas seulement pour la raison que les prostituées assurent les distractions des hommes, notamment lors des banquets durant lesquels leurs services sont loués. A vrai dire pour cette tâche spécifique, les esclaves sont toujours disponibles mais des prostituées donnent une touche luxueuse aux festivités, chose très importante pour les nobles romains.

Autre point important, pour les Romains, la prostitution permettaient d’éviter l’adultère ou le viol, dans une certaine mesure du moins. Ainsi, Caton félicite un homme de bonne famille qui sort d’un lupanar : « Oui, lorsqu’un désir furieux veut gonfler leurs veines, c’est là que les jeunes gens doivent descendre, plutôt que de pilonner les femmes d’autrui. » (Horace, Satires, I, 2, 32-36).

Plusieurs philosophes du Ier siècle avant J.-C. dont Lucrèce mettent en garde les hommes à ce sujet : ils ne doivent ni se laisser aller à leur fascination à l’égard du corps féminin ni être dominé par leur passion amoureuse qui les rend dépendants de l’être aimé. En cela, la fréquentation des prostituées est perçue comme une solution : il y a consommation des plaisirs sans attache sentimentale et sans risque de devoir offrir plus que nécessaire.

Sur le plan économique enfin, la prostitution remplit les caisses de l’État. Selon le Digeste (œuvre juridique du VIè siècle après J.-C.), Caligula met en place un impôt pour taxer ce commerce sexuel, dissuadant dès lors certaines femmes de pratiquer une prostitution occasionnelle. En dehors de Rome, c’est l’armée qui récolte cet impôt non aboli par la suite.

La loi et les prostituées

La prostituée devait suivre des règles vestimentaires bien précises dans l'espace public afin qu’on ne la confonde pas avec une femme libre. En effet les Romains avaient le droit, comme avec les esclaves, de leur glisser une caresse mais il ne s'agissait pas de se tromper et de le faire à une matrone, acte pouvant être condamné par la mort selon qui était le mari. Ainsi la prostituée portait une perruque blonde, une toge de couleur jaune d’œuf plus courte que la longue stola des matrones (Elles peuvent aussi porter des tenues extravagantes, plus exotiques ou translucides) et elle n’avait pas le droit d’attacher ses cheveux à la manière des matrones. De ce fait, elles étaient facilement identifiables.

Si le mot "Matrone" est aujourd'hui plutôt péjoratif, c'est absolument l'inverse à l'époque de la Rome antique. Matrone est un nom commun qui est issu du latin matrona, dérivé de mater « mère » avec un suffixe augmentatif, selon une dérivation similaire à pater / patronus (père / patron). Dans la société romaine traditionnelle, la matrone est une épouse et une mère respectée par la communauté (il ne suffit pas d'être mariée et d'avoir des enfants pour bénéficier de ce titre, il faut aussi avoir une apparence -pas vue pas prise- de vie respectable (fidélité au mari, fréquentations correctes...). La mère de famille dispose d'un certain pouvoir à l'intérieur de sa maison, elle dirige les servantes et les esclaves. Et comme déjà dit, utiliser sexuellement un de ses esclaves c'est comme utiliser un verre pour boire, ça n'a rien d'incorrect même de la part d'une femme mariée (Remarque amusante, dans le domaine des relation avec les servantes et les esclaves, on appelle la maîtresse de maison la « Domina »).

Si les dieux et les héros sont représentés nus dans l’art grec et romain, la nudité reste toutefois associée à une certaine forme de dépravation des mœurs dans la société romaine. Ce sont dans les objets d’art érotique que les femmes, perçues comme des objets de désir, sont représentées nues, partiellement ou totalement (ce qui reste rare). Dans l’intimité, faire l’amour sans aucun vêtement apparaît comme impudique. Seules les esclaves et les prostituées pourraient consentir à se livrer en montrant l’intégralité de leur corps, tandis que les matrones ne se dénudent que de manière contrôlée et sélective. La nudité, en connotation négative, est liée à la défaite à la guerre, car les prisonniers étaient déshabillés, ou à l'esclavage, car les esclaves vendus étaient souvent présentés nus. La désapprobation de la nudité était donc moins une question d'essayer de supprimer le désir sexuel inapproprié que de rendre digne le corps du citoyen.

Le nom de toutes les prostituées, frappées d’infamie, est consigné dans un registre tenu par les édiles. Toute femme qui fait commerce de son corps est tenue de se déclarer au bureau de l’édile, ce qui, selon Tacite, doit empêcher les femmes libres (de naissance) de se prostituer : la perte de leur dignité liée à cet aveu public étant censé suffire à les en dissuader. Cependant, à certaines époques où l'adultère était puni de mort, on a vu des dames de la haute société s'inscrire sur le registre des prostituées pour éviter la condamnation.

Toute femme dont la sexualité, consentie ou non, a lieu en dehors du mariage est considérée comme impudica, c’est-à-dire « sans pudeur, débauchée, souillée ». Seul le suicide permet de regagner cette pudeur perdue, raison pour laquelle la patricienne Lucrèce se donne la mort après avoir été victime d’un viol. En droit romain, la prostituée (impudica) ne peut jamais être considérée comme la victime d’un viol puisque le violeur commet un crime contre l’honneur et la pudeur liée au corps. Or, pour les Anciens, la prostitution implique une soumission au plaisir d’autrui qui interdit d'appliquer ensuite ces concepts.

Terminons ce chapitre avec la plus noble des prostituées (et personne ne lui a jamais demandé de compte ou demandé à ce qu'elle soit frappée d'infamie ! Je parle bien sur de la femme de l’empereur Claude, Messaline, qui éprouvait le désir curieux de vouloir se livrer, la nuit tombée, aux hommes les plus méprisants de Rome, pour le prix d’une croûte de pain. Ainsi elle reçut le surnom de la Pute Impériale.

Les différentes catégories de prostituées

Dans la Rome antique, les prostituées ne vivent pas toutes la même existence. Celles qui sont accessibles aux plus humbles sont en général des esclaves, des affranchies, ou des pérégrines (libres sans droits juridiques). Probablement jeunes, elles sont achetées par des proxénètes à des marchands d’esclaves ou des pirates après avoir été abandonnées ou faites prisonnière. Méprisées, nues toute la journée, elles sont exploitées par leur souteneur. Ces prostituées à bas prix travaillent dans les lupanars (notamment du quartier de la Subure pour Rome).

Tout aussi indigentes, les femmes libres qui se vendent dans les rues gagnent peu d’argent (si on en croit les graffitis de Pompéi, le prix d'une passe est insuffisant pour s’offrir une ration de nourriture).

Une catégorie intermédiaire de prostituées, payées en argent ou en cadeaux, regroupe des esclaves, des affranchies, des femmes libres et mêmes mariées dont le mari est considéré comme un souteneur, un leno-maritus (« mari-maquereau »). En l’absence de mari, une nourrice ou une mère peut jouer le rôle de souteneur. On attend de ces femmes qui ne sont pas bon marché qu’elles sachent s’apprêter et qu’elle ait une expérience de l’amour. Ces prostituées d’un rang supérieur aux filles des lupanars doivent aussi maîtriser l’art du chant et de la danse.

Certaines de ces prostituées "intermédiaires" se passaient de souteneur en faisant partie d'une confrérie plus ou moins secrète (discrète serait un mot plus juste). Les Romains appelaient ses membres des "Lupa" (Ce qui veut dire louve, c'est l'origine véritable de la louve du mythe de la louve allaitant les futurs fondateurs de Rome, Remus et Romulus). Le terme lupa servira ensuite de base à de nombreux mots relatifs à la prostitution. Le plus connu est probablement lupanar, qui signifie « la tanière de loup ».

Si certaines femmes sont contraintes de se prostituer dans des conditions misérables en raison de leur condition inférieure ou dans un but de survie, d’autres vendent leur corps à prix d’or. Héritières des hétaïres grecques, les courtisanes sont belles, intelligentes, raffinées, réputées dans les jeux de Vénus : ces talents leur permettent de choisir leurs amants parmi les hommes les plus riches et les plus influents et de faire payer leurs services au prix fort. Les auteurs Catulle, Ovide, Juvénal et Martial confirment l’idée qu’une minorité de prostituées vit dans l’opulence au détriment de leurs amants, d’où leur réputation de parasites ensorceleurs.

Il a existé aussi une catégorie de prostituées bien particulière, les femmes condamnées à la punition dite de l'âne. Il s'agissait de femmes mariées qui avait été convaincu d'Adultère et se voyaient condamnée au rôle temporaire de jouet sexuel pour les hommes désirant en profiter. Il va de soit que cette condamnation signifiait la mort sociale de la victime.

Évidemment l'intérêt sexuel des Romains ne se limitait pas aux femmes et l'on trouvait également de la prostitution masculine. Cette dernière était beaucoup plus débauchée que son homologue féminine. Souvent les hommes prostitués étaient des eunuques (involontaires) ayant été castrés soit après leur puberté (ils peuvent alors avoir une érection mais ne peuvent pas éjaculer, donc féconder) soit avant pour leur donner une touche féminine. Il pouvait aussi s'agir de castration totale généralement associée au travestissement pour les clients désirant voir les charmes féminins chez l’homme. Le phénomène de pédérastie était important, vu le nombre impressionnant de jeunes adolescents dans les registres.

Il y a quelques preuves que des femmes pouvaient embaucher des hommes pour leur faire un cunnilingus. Des graffitis à Pompéi indiquent le prix de prostitués hommes pour un cunnilingus, dans la même tranche de prix que la fellation d'une prostituée.

Prostitution et Maisons closes

Les prostituées peuvent travailler dans des lupanars (maisons closes). Le seul exemple concret dont nous disposons est celui du site archéologique de Pompéi : autour d’un atrium se trouvent plusieurs cellules étroites qui contiennent un lit maçonné et des peintures érotiques. Le luxe de ces lieux dépendait de son implantation, exécrable dans les bas quartiers, où la chambre se suffisait par un tas de paille tandis qu’il était élégant dans les zones favorisées : fontaines, bassins, soie… L’intérieur était agrémenté de diverses fresques érotiques et d’un phallus omniprésent. A côté de chaque chambre était présent un écriteau spécifiant la nature de la prostituée, son nom, ses éventuelles spécialités et également son prix.

Notons une curiosité dans le système monétaire romain : à partir du règne Tibère, il va être interdit d’utiliser de la monnaie portant l’effigie de l’Empereur dans les lieux de débauche. Inévitablement, cela va toucher les lupanars et le moyen de payer les prostituées. On va donc mettre en place une monnaie spéciale, la spintriae, frappée de positions sexuelles explicites et à l’autre face de la valeur de cette pièce. Elle avait également pour but d’éviter que la prostituée ne reverse pas entièrement ce qu’elle devait au leno (souteneur), en effet elle ne pouvait utiliser cette pièce dans le cadre de dépenses conventionnelles, il lui était alors inutile de ne pas tout remettre à son proxénète. Ces pièces disparaîtront sous la direction de Domitien.

Mais on a également retrouvé des petites cellules (cellae meretriciae) qui jouxtent des maisons ou des tavernes et dont l’issue donne sur la rue. Le personnel féminin de ces lieux y assure les divertissements (danse, musique) et vend son corps plus ou moins occasionnellement. Les thermes auraient également proposé des prestations sexuelles payantes ainsi qu’en témoignent plusieurs graffitis des thermes d’Herculanum et de Pompéi. Mais de nombreuses prostituées travaillent aussi dans des ruelles sombres, près des colonnes des divers édifices de spectacle, aux portes des villes… Elles sont nommées ambulatrices, circulatrices, fornices (« celles qui travaillent sous les ponts »), noctilucae (« les lucioles ») ou busturiae (« celles qui opèrent entre les tombeaux »).

Le Culte des prostituées

Les prostituées ont leurs fêtes qui, à travers la mise en avant de leur corps et d’une gestuelle impudique, favorisent la séduction et l’érotisme dans le cadre d’une sexualité non procréative. Ainsi, pendant les Jeux floraux notamment en l’honneur de la déesse Flore (entre le 23 avril et le 3 mai), les prostituées se dénudent dans les théâtres en évoquant chacune leurs tarifs et leurs spécialités. La célébration culmine avec une orgie. Flora, déesse des fleurs, n’était autre qu’une prostituée qui fit don de sa fortune au sénat, qui par remerciement fêtèrent son nom, mais par pudeur, elle devint la déesse des fleurs. .

On célèbre, en outre, le culte de la Vénus Érycine le 23 avril, jour de la prostitution (meretricum dies). Les prostituées défilent au temple pour honorer la déesse, montrant de fait leurs atouts et s’assurant une certaine publicité devant des hommes venus voir ce spectacle.

Certains cultes étaient mêmes des excuses à la débauche, celui d’Isis par exemple. Tout comme ses prêtres gagnaient leur argent par proxénétisme, les temples d’Isis vivaient par le commerce du sexe : chambres louées pour "communier" avec les prêtresses (prostitution sacrée), lieux de rencontre...

Travestissement

Il semble bien que les questions de genre se posent déjà dans le monde romain. Ainsi Hippocrate s'interroge sur le fait que certains hommes semblent assez féminins et des femmes très masculines. Il en déduit que normalement l'élément mâle vient du père et l'élément femelle de la mère, qu'un des deux est plus fort que l'autre, ce qui donne un homme ou une femme "normal" mais que parfois...

Si l’élément mâle vient de la femme et l’élément femelle de l’homme, mais que le mâle l’emporte, il se développe de la même façon que précédemment et l’élément femelle dépérit. Ces hommes sont efféminés et sont appelés ainsi à juste titre.
Si l’élément femelle vient de l’homme et l’élément mâle de la femme, mais que la femelle l’emporte, il se développe de la même façon. Ces femmes sont plus audacieuses que les précédentes et sont appelées viriles.
Hippocrate "Du régime"

Ce concept psychologique relevé par Hippocrate concerne ce que l’on pourrait sans doute aujourd’hui dénommer « identité de genre », ou « dysphorie de genre ».

On sait que Néron, après la mort de sa femme Poppée, aurait fait émasculer un dénomé Sporus avant de le métamorphoser en femme et le traita comme son épouse, ce qui inspira à quelqu'un cette plaisanterie assez spirituelle : « Quel bonheur pour l'humanité si Domitius son père avait pris une telle femme ! » . Ce Sporus, paré comme une impératrice et porte en litière, suivit Néron dans tous les centres judiciaires et marchés de la Grèce, puis, à Rome. Néron le promena aux Sigillaires en le couvrant de baisers à tout instant (Suétone, Vie de Néron, XXVIII).

L’empereur romain Varius, plus connu sous le nom d’Héliogabale, avait la réputation de laisser libre cours à ses pulsions sexuelles et entretenait de nombreuses liaisons avec des femmes et des hommes. L’empereur aurait demandé conseil à des femmes pour qu’elles lui montrent et apprennent comment se comporter avec ses partenaires masculins. Don Cassius, dans son "Histoire romaine", écrit à son sujet :

S'étant fait épouser, il répondait aux noms de femme, de maîtresse, de reine, travaillait la laine, portait parfois une résille sur la tête, se maquillait les yeux, se fardait le visage de blanc de céruse et de rouge d'anchuse. Une fois, il se rasa le menton et, à cette occasion, célébra une fête ; après quoi, il s'épilait, de manière à ressembler par là à une femme. Souvent, il recevait les salutations des sénateurs, en restant couché.
À sa vue, Sardanapale s'élança vers lui en dansant en mesure et, quand il eut été salué, ainsi qu'il convenait, en ces termes : « Maître et empereur, salut », étonnamment, il ploya la nuque, à la manière d'une femme, puis releva les yeux et lui fit, sans la moindre hésitation, cette réponse : « Ne m'appelle pas ton maître, car, moi, je suis ta maîtresse.

Ces exemples restent des cas particuliers. Nul doute que quelques riches romains aimaient se travestir chez eux, voir organiser des soirées avec leurs ami.e.s où ils étaient la maîtresse de maison (Un exemple de travestissement est noté dans une affaire légale dans laquelle « un certain sénateur ayant l'habitude de porter des vêtements de soirée féminins » demandait dans son testament l'élimination de ses vêtements). Mais le travestissement n'a jamais été accepté publiquement (Dans un exercice de jugement de Sénèque, un jeune homme (adulescens) est victime d'un viol collectif alors qu'il porte des vêtements féminins en public et le jugement prend la peine de bien spécifier que ses agresseurs sont condamnables car son costume féminin résulte d'un pari fait avec des amis et non d'un choix fondé sur l'identité sexuelle ou la recherche d'un plaisir érotique) en dehors de quelques contextes bien précis.

Chaque année aux Ides de juin, c’est-à-dire le 13 de ce mois, lors de la fête dite des Petites Quinquatries, les joueurs de flûte avaient licence de parcourir la Ville masqués et en vêtements de femme. Les divers témoignages sur ce rituel festif montrent que son sens n’est plus guère compris à l’époque classique et, pour l’expliquer, renvoient à une grève légendaire de cette corporation de musiciens en 312 avant notre ère. Si certains auteurs voient dans l’accoutrement des joueurs de flûte l’indice déshonorant d’une nuit d’orgie (où l’on porte traditionnellement de longues robes transparentes), Ovide souligne un changement d’apparence volontaire, dans le but de protéger contre l’action d’un censeur l’anonymat des réfractaires.

Le travestissement tient aussi une place importante dans une grande fête qui apparaît à la fin de l’Antiquité romaine : la fête des kalendes de janvier, c’est-à-dire du 1er de l’an, qui célèbre le renouvellement du temps. À partir du III-IVe siècle de notre ère, et ce jusqu’au VIIe siècle au moins (donc peu avant le début de l’Empire chrétien et jusqu’au haut Moyen Âge), sur toute l’étendue du monde romain mais avec une prédominance semble-t-il dans sa partie occidentale, les fêtes du Nouvel An sont marquées par des cortèges déguisés et bruyants. Or il ne s’agit pas simplement de masques correspondant à des rôles grotesques de théâtre ou à des figures effrayantes pour conjurer l’angoisse de la mort. Les masques et déguisements représentent soit des dieux (Jupiter, Saturne, Hercule, Vénus et Diane), soit des animaux sauvages (le plus souvent, le cerf), soit des femmes (outrageusement fardées) : ils expriment clairement la volonté d’être autre, d’abolir les frontières humain/divin, humain/animal et homme/femme ; ils signifient, selon Michel Meslin qui a tout particulièrement étudié cette fête, le “dépassement de soi-même, dans le reniement momentané de sa condition physiologique, psychologique, sociale, et dans le violent désir d’affirmer ainsi une puissance et une énergie à vivre et à être quelqu’un d’autre.”

L’évêque grec Astérios d’Amasée, à la fin du IVe siècle, s’indigne dans une de ses homélies contre ces soldats, pourtant préposés à la sauvegarde de l’empire, qui n’hésitent pas à se vêtir de robes transparentes, à se coiffer d’une perruque et à prendre une voix de fausset pour entonner des chansons grivoises. Le pouvoir chrétien qui devient de plus en plus puissant à partir de la conversion de l'Empereur Constantin vers 312 est le principal responsable de la répression vis-à-vis de la prostitution, des fêtes païennes et plus largement de tout ce qui leur semblait contraire à LEUR définition des bonnes mœurs, ce qui inclue bien sur le travestissement ( contrefaire la femme est absolument contraire à la dignité de l’homme, c’est anéantir sa nature virile et nier l’œuvre de Dieu, donc se soumettre au pouvoir de Satan).

Le cas des Galles

La figure ambiguë du Galle a fait couler beaucoup d’encre, dès l’Antiquité. Ceux-ci ont pour point commun d’être qualifiés par leurs contemporains par la formule « ni hommes ni femmes », l’ambiguïté de genre étant une caractéristique fondamentale des prêtres de Cybèle dont les habits rituels comprennent des vêtements de femme. Ils sont parfois considérés comme un clergé transgenre puisque les prêtres doivent être castrés en imitation d'Attis.

Cybèle est une divinité d’origine phrygienne, adoptée d'abord par les Grecs puis par les Romains, personnifiant la nature sauvage. Elle est présentée comme « Magna Mater », Grande Déesse, Déesse mère ou encore Mère des dieux. C’est l’une des plus grandes déesses de l’Antiquité au Proche-Orient. Avec l'empereur Théodose, la religion chrétienne est devenue la seule religion acceptée, et le culte de Cybèle fut particulièrement visé au ve siècle apr. J.-C. Pour certains historiens, en raison de la ferveur religieuse qu'elle engendrait, elle serait à l’origine du culte rendu par les chrétiens à la Vierge Marie en Europe du Sud-Ouest.

Dans la mythologie grecque, Attis fut le jeune amant de la déesse. Quand Attis souhaita se marier à la nymphe Sangaride, Cybèle, qui l’aimait et en était jalouse, le rendit fou si bien qu’il se castra lui-même et se tua. Cette légende offre de nombreuses variantes visant à expliquer notamment que les prêtres de Cybèle, les Galles, sont des eunuques (ils pratiquaient des rituels d'auto-castration, tous les 24 mars, à l'occasion des sanguinaria). Cybèle, une divinité acceptée à Rome sous l’empereur Claude, constitue l’un des plus importants cultes à mystères de l’Empire romain.

Homosexualité

Il est accepté socialement et attendu d'un homme libre de chercher des relations sexuelles avec des hommes et des femmes tant qu'il prend le rôle de dominant (Ceux qui ont le rôle de receveur lors de l'acte, appelé parfois rôle passif ou soumis sont mal vus). Les objets de désirs acceptables sont les femmes de tous les rangs sociaux et de tous les statuts, les hommes prostitués ou esclaves, mais les comportements sexuels en dehors du mariage doivent être exclusivement avec des prostitués ou des esclaves, ou moins souvent avec une concubine.

Le viol d'un homme par un autre est une des punitions traditionnellement infligées par la victime d'un adultère à l'amant. En temps de guerre, le viol des prisonniers n'est pas considéré comme criminel (on considère le vaincu comme un objet sexuellement utilisable, qu'il soit homme ou femme). Le viol de masse est un des actes de punition violents lors du sac d'une cité, mais si le siège se termine diplomatiquement plutôt que par un assaut, le ius gentium garantit que les habitants ne seront pas asservis ou violentés, .

Bien que la loi romaine ne reconnaisse pas les mariages entre personnes du même sexe, certains couples ont célébré les rites du mariage dans les premiers temps de l'Empire. Les mariages homosexuels sont rapportés par des sources qui s'en moquent ; le sentiment des participants n'est pas rapporté. À la fin du 4ème siècle, durant l'Empire chrétien, l'homosexualité passive est punie du bûcher. La mort par l'épée est la punition pour un « homme s'accouplant comme une femme » selon le Code de Théodose. Sous Justinien, tous les actes homosexuels, passifs ou actifs et quel que soit le partenaire, sont déclarés contre nature et punissables de mort. Les comportements homosexuels sont accusés d'avoir provoqué la colère de Dieu à la suite d'une série de désastres vers 542 et 559.